Est-ce parce qu’elle est née (à Clichy, le 6 août 1937) d’une mère catholique de noblesse mibretonne, mi-gasconne, et d’un père juif ashkénaze tchèque que May Angeli est si attentive aux métissages culturels? Son oeuvre, en tous cas, est un bel exemple de tolérance et d’ouverture d’esprit.
Ancienne élève de l’école des Métiers d’art de Paris, elle fit ses premières armes aux éditions de la Farandole puis au Père Castor, travaillant alors à la gouache, à l’encre et à l’aquarelle et mélangeant parfois ces différentes techniques qu’elle continue à utiliser de façon occasionnelle. Mais en 1980, elle fait un premier stage de gravure à Urbino qui fut pour elle une révélation.

C’est Régine Lilensten, fondatrice et directrice du Sorbier qui, la première, fut séduite par la vigueur et l’audace des gravures de May Angeli. De là l’édition des Histoires comme ça de Kipling, puis du Joueur de flûte de Hamelin, ou encore de Qui perd la boule? où elle expérimente avec bonheur la linogravure qu’elle utilise largement dans ses animations scolaires. Elle reviendra, pour Thierry Magnier (exceptionnel Chat dont l’absence de texte et l’économique trichromie renforcent l’énergie graphique) ou pour Bilboquet, Syros et Grimm Press, aux xylographies dont elle possède une rare maîtrise, éditant parallèlement des livres d’artistes imprimés avec les prestigieux caractères de l’Imprimerie nationale.

Plusieurs albums en xylographies ont été primés ou sélectionnés à Bologne et Bratislava. Petite histoire des langues qui reçut le Prix Octogone en 2002, Petite histoire du temps, Petite histoire de la guerre et de la paix, Voisins de palmier, Qui de l’oeuf ? Qui du poussin? , Je ne peux pas m’habiller, Carotte ou pissenlit, Petit ou Ma clématite chérie sont de belles réussites graphiques…

D’une adresse singulière dans le coup de gouge, à la fois précis et énergique, elle est virtuose dans l’usage de la couleur, jouant harmoniquement des superpositions d’encres et utilisant, dans ses compositions, les aspérités et veines du bois de fil.

Elle écrit souvent ses textes, non sans un véritable bonheur de plume, mais a récemment réalisé la gageure d’illustrer à l’ancienne, xylogravés uniquement en noir et blanc, deux romans de Jules Verne, L’Invasion de la mer et Le rayon vert où elle sert admirablement le climat vernien.

Sensible au monde de l’enfance, elle en saisit avec tact les émois et les blessures (La gribouilleuse).

Amoureuse de la Tunisie où elle travaille régulièrement, elle s’est souvent inspirée de ses atmosphères, ainsi dans Souks et saveurs en Tunisie ou le remarquable Dis-moi où l’humour se mêle à l’émotion pour évoquer avec brio l’élection du site de Carthage.